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La recherche

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Une nouvelle ère pour le traitement de la SEP ?

Les 12, 13 et 14 novembre 2009, s'est tenue à Lisbonne la réunion Charcot qui réunissait de nombreux spécialistes de la SEP pour faire le point sur les progrès scientifiques réalisés dans cette maladie et sur les espoirs raisonnables que ces progrès suscitent en matière de thérapeutiques nouvelles.

Il est évidemment impossible de résumer, même de manière partielle, tout ce qui a été dit d'intéressant au cours de cette réunion, mais on peut cependant dégager les 2 notions suivantes :

  • Première notion

La recherche fondamentale en matière se SEP se traduit par un énorme apport d'informations nouvelles relatives aux mécanismes de la maladie en termes de biologie moléculaire. Toutes ces informations ne se traduiront pas rapidement en nouveaux traitements de la maladie, mais elles constituent certainement des pistes extrêmement intéressantes et prometteuses pour concevoir ces nouveaux traitements et les mettre au point à échéance moyenne.

  • Deuxième notion

Des traitements nouveaux sont en cours d'investigation chez des patients atteints de SEP. Plusieurs molécules sont en phase III  (pré enregistrement), et des résultats définitifs sont attendus dans les 3 prochaines années. Même si toutes les molécules ne deviendront pas nécessairement des traitements de la SEP, on peut raisonnablement espérer l'arrivée prochaine sur le marché de quelques produits doués d'activités significatives et surtout de produits pouvant être administrés par voie orale.

Molécules nouvelles

Les molécules dont on parle le plus sont tout naturellement celles dont l'investigation est la plus avancée. Il y a ainsi une série de produits qui sont administrés depuis de nombreux mois à des cohortes de patients atteints de SEP. Ces patients font l'objet d'une surveillance très attentive qui permet d'apprécier leur réponse à ces traitements nouveaux en termes cliniques (nombre de poussées et évolution du handicap) et en termes d'examens spéciaux (examens répétés de résonnance magnétique).

D'une manière pratique, les molécules les plus souvent mentionnées sont les suivantes :

  • La CLADRIBINE
  • Le FINGOLIMOD
  • Le LAQUINIMOD
  • Le FUMARATE
  • L'ALEMTUZUMAB
  • La PIXANTRONE
  • Une STATINE...

(Liste non exhaustive)

Dans le présent document, nous donnerons quelques détails concernant la Cladribine, le Fingolimod et le Laquinimod dont l'étude est déjà bien avancée et nous attendrons que l'étude des molécules suivantes soit plus avancée pour avoir matière à des explications détaillées qu'il serait difficile de fournir aujourd'hui.

La CLADRIBINE

La Cladribine est une substance utilisée depuis des années dans le traitement de la leucémie. Après une administration orale de brève durée, elle diminue de manière importante et prolongée le nombre de lymphocytes T circulants. Chez des patients avec SEP à poussées et rémissions, cette chute de globules blancs s'accompagne d'une réduction marquée du nombre de poussées et de l'apparition de lésions nouvelles observées par résonance magnétique. Cet effet bénéfique est au moins égal, sinon supérieur à celui d'un Interféron, mais ceci reste à démontrer dans une étude comparative.

L'intérêt de la Cladribine est son mécanisme d'action qui est différent de celui des Interférons et de l'acétate de glatiramer, ce qui permet de croire que ce produit pourrait être efficace chez les patients qui ne répondent pas favorablement aux autres traitements.

Le FINGOLIMOD

Le Fingolimod est un analogue de la Sphingosine. Sa liaison au récepteur pour la Sphingosine situé à la surface du lymphocyte T a pour résultat de séquestrer les lymphocytes T agressifs dans les ganglions lymphatiques, ce qui se traduit, chez les malades atteints de la forme à rechutes et à rémissions de la SEP par une diminution importante du nombre de poussées et de l'apparition de lésions nouvelles observées par résonance magnétique. Dans une étude effectuée sur plus de mille patients traités pendant une durée d'un an, le Fingolimod s'est avéré plus efficace qu'un Interféron.

Comme pour la Cladribine, l'intérêt de ce produit est son mécanisme d'action original qui laisse prévoir une efficacité chez des patients qui ne répondent pas aux traitements traditionnels. Il s'agit également d'un produit actif par voie orale.

Le LAQUINIMOD

Le Laquinimod est une petite molécule de synthèse qui modifie la proportion des lymphocytes Th1 par rapport aux lymphocytes Th2. Ceci conduit à une augmentation relative de ces derniers, et à une augmentation relative des cytokines produites par ce type de lymphocytes.

Or, on sait que l'inflammation qui caractérise les lésions cérébrales des patients atteints de SEP dépend intimement de la présence de certaines cytokines qui sont soit pro-inflammatoires, soit anti-inflammatoires. (Pro inflammatoires : les cytokines produites par les Th1, et anti-inflammatoires, celles produites par les Th2). Administré par la bouche à des patients atteints de SEP, le Laquinimod diminue le nombre de poussées et cette diminution s'accompagne d'une incidence diminuée de lésions cérébrales mises en évidence par la résonance magnétique.

Il s'agit ici aussi d'un mode d'action original totalement différent des thérapeutiques existantes.

Effets indésirables des nouvelles molécules

Comme tout le monde le sait, un point crucial pour l'acceptation de nouvelles molécules par les commissions d'enregistrement est la démonstration de leur bonne tolérance. Non seulement la molécule nouvelle doit démontrer son efficacité, mais elle doit aussi démontrer qu'elle n'est ni dangereuse, ni toxique.

Qu'en est-il en ce qui concerne les 3 molécules mentionnées ci-dessus ? Il y a une chose importante qu'il convient d'avoir à l'esprit, et c'est la suivante : si la démonstration de l'efficacité thérapeutique d'une molécule dans la SEP est une démarche difficile et coûteuse pour les laboratoires, la démonstration de la bonne tolérance est une démarche bien plus exigeante encore. Il faut quelques centaines de patients traités pendant 2 ans pour s'assurer de l'efficacité  d'un produit, et il faut des milliers de patients traités pendant des périodes beaucoup plus longues pour s'assurer de l'innocuité d'un produit.

En pratique, cela signifie que bien des médicaments nouveaux sont mis sur le marché avant que l'on puisse totalement rassurer les malades et les médecins quant à l'absence d'effets indésirables au long terme. Cette réalité impose naturellement de procéder à un suivi très attentif des patients auxquels on administre un nouveau produit, surtout s'il s'agit d'un produit qui exerce une action sur le système immunitaire. Avec ce type de produits, on doit s'attendre en effet à voir survenir certaines complications infectieuses et parmi celles-ci, la leucoencéphalite multifocale progressive (infection cérébrale virale particulièrement grave.) Un suivi adéquat permettra de déceler plus rapidement ces effets indésirables éventuels et permettra ainsi d'en diminuer les conséquences.

En conclusion

Le traitement de la SEP va bientôt s'enrichir de molécules nouvelles douées de mécanismes d'action variés. On disposera alors d'un véritable arsenal thérapeutique, et on pourra sans doute envisager de combiner différents produits avec l'espoir d'obtenir un meilleur contrôle de la maladie et de sa progression. Cela va sans doute modifier considérablement la prise en charge thérapeutique des patients atteints de SEP. Cette perspective est évidemment réjouissante, et il faut reconnaître qu'un vent d'optimisme soufflait sur la réunion Charcot à Lisbonne.

Cela ne nous fait pas oublier les difficultés quotidiennes vécues par de nombreuses personnes atteintes de SEP. Cette vie de tous les jours se présente souvent pour elles comme un véritable défi. Les médecins ne l'oublient pas, même quand ils annoncent la bonne nouvelle.  Il est vrai que les malades ont souvent cette impression que les progrès de la médecine ne sont pas rapides : pour eux, et on peut le comprendre, les choses ne vont jamais assez vite.

Dr.J.P. Rihoux

Février 2010